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Un sondage dans le dictionnaire m'a laissé dans une confusion complète.

"chimie" devrait se prononcer "kimie" d'après l'étymologie χημεία ; de plus j'entends en général "kimiothérapie", et le dictionnaire de l'Académie 1784 prescrit de prononcer "alkimie" pour alchimie.

"chien' vient de canis, qui se prononçait vraisemblablement "kanis".

Dans un mot plus rare comme "chyle", on peut encore reconnaître χυλός (qui maintenant signifie par analogie porridge), mais quand l'origine est inconnue, comme "chute", comment deviner ?

Ainsi que pour "chasse", de "captia", qui est du bas-latin (le latin classique "captio" a un sens très différent, qui a donné "captieux"), comment deviner, ou plutôt déduire ?

Le son "k" est-il devenu "ch" en (très) vieux français, mais réintroduit dans certains mots savants à la Renaissance ?

Stéphane Gimenez
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Les règles de prononciation sont excessivement complexes, avec seulement des traits de régularité. Je reporte à ce propos la section relativement complète concernant la prononciation de ch qu'on trouve à « C » dans le TLF.

C.− Ch

  1. À l'initiale
    a) Se prononce [ʃ] dans les mots français : chat, chercher, chimère, chute. b) Se prononce [k] dans les mots d'origine grecque : chiromancie, etc.

  2. À l'intérieur du mot
    a) Se prononce [ʃ] quand il est placé entre voyelles. Dans la majorité des mots français : achalander, échec, échine. Dans les mots savants terminés par -machie comme : logomachie, tauromachie. Sauf dans des exceptions du type de lysimachie qui se prononce avec [k]; quand il est précédé d'une voyelle et suivi d'une consonne dans les interjections familières : fichtre!, fouchtra!; quand il est précédé d'une consonne et suivi d'une voyelle dans les groupes suivants : kch [kʃ] : bakchich; lch [lʃ] : colchicacées, colchique, etc.; nch [~ʃ] avec nasalisation de la voyelle précédente : bronche, bronchiole, bronchite, etc. Dans des exceptions du type : bronchial, enchymose, inchoatif, ch se prononce [~k] avec nasalisation de la voyelle précédente; rch [ʀ ʃ] : archard, archée, archevêque, archi-. Dans des exceptions du type : archaïque, archange, archétype, archiépiscopal, orchestre, ch se prononce [k]; quand il est placé entre consonnes dans les groupes suivants : schk [ʃk] : puschkinie; schn [ʃn] : mischnique; quand il est précédé de 2 consonnes et suivi d'1 voyelle dans le groupe ndch [~ʃ] : mandchou (la voyelle précédant n étant nasalisée). On peut entendre plus rarement [~tʃ]; quand il est précédé de schs : eschscholzie. b) Ch intérieur se prononce [k] quand il est placé entre voyelles dans des mots savants français : achaine, achéen, achillée, écho. Dans certains mots savants ch peut aussi se prononcer [ʃ]. P. ex. dans : machiavélisme, monachisme, trichine; il se prononce [k] quand il est précédé d'une voyelle et suivi d'une consonne liquide l ou r appartenant à la même syllabe (cochlée, isochrome) ou suivi d'une consonne sourde appartenant à la syllabe suivante (achtéomètre, fuchsine, ichthisandre); dans le groupe cch suivi d'une voyelle : bacchanal, bacchante, ecchymose, saccharine; quand il est précédé de la consonne s et suivi d'une voyelle : aschariens, ascharisme, dyschirie, etc., sauf dans des exceptions du type : aschée, bischofite, ischélite; quand il se trouve placé entre consonnes dans les groupes suivants : nchn [~kn] : splanchnique, splanchnologie avec nasalisation de la voyelle précédant le 1er n; nchr [~kʀ] : synchrome avec nasalisation de la voyelle précédant n; schr [skʀ] : eschrologie.

  3. Ch à la finale
    a) Ne se prononce pas dans almanach. b) Se prononce [ʃ] dans des mots turcs ou arabes adoptés par le français : bakchich. c) Se prononce [k] dans cromelech, azéradach, krach, varech, auroch, mots d'origine bretonne, germanique ou scandinave.

La même page comporte également une section historique sur ch (HIST. C.). Elle indique que la prononciation aspirée du grec est tombée très tôt (kh > k) dans la prononciation populaire, puis a été dans certains cas sujette à palatalisation (k > ch). En effet, « à partir de la fin du XVe siècle le h étymologique tend[ait] à se réintroduire partout ». Les mots qui ont retrouvé leur h à l'écrit n'ont probablement jamais évolué vers le [ʃ].

Stéphane Gimenez
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    Pour compléter : en grec la lettre χ (Khi) se prononçait [k]. L'alphabet latin n'avait pas d'équivalent à la lettre χ et déjà en latin on utilisait le digramme ch pour transcrire le son [k] des mots empruntés au grec. Ceci à une époque où la lettre h [h] ne se prononçait presque plus. L'habitude est restée en ancien français. La lettre h a parfois disparu au fil des siècles, par exemple le grec χαρακτήρ a donné le latin kharaktế devenu « caractère » en français moderne (alors que l'anglais moderne a conservé le h). – None Nov 01 '13 at 16:00
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    Cf. Chi, « En grec ancien, elle était prononcée [kʰ] », et dans les alphabets occidentaux ça a pu donner [ks] et x. – Stéphane Gimenez Nov 01 '13 at 16:05
  • Merci de vos savantes réponses ! Ma conclusion est qu'il faut apprendre la prononciation des mots individuellement, comment se souvenir de règles si complexes en pratique ? – ex-user2728 Nov 01 '13 at 16:37
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    @MarkThorin, comme dans n'importe quelle langue dont l'orthographe n'est pas phonétique (l'anglais est encore un plus bel exemple que le français d'ailleurs), en apprenant. – Un francophone Nov 01 '13 at 17:23
  • @Un francophone Certes ; mais, essentiellement mathématicien de formation, je cherche plus à comprendre qu'à apprendre, et j'aime des langues comme l'espagnol, l'italien, où l'allemand : j'y perds moins de temps à des futilités. L'anglais m'a été naturellement acquis, mais je ne vais pas le défendre comme cohérence de la correspondance orthographe-phonétique ; néanmoins beaucoup d'aberrations s'expliquent étymologiquement, l'anglais ayant retenu la prononciation française des innombrables mots qu'il a empruntés à cette langue, à l'époque où il les a adoptés. – ex-user2728 Nov 01 '13 at 19:17
  • @MarkThorin, il me semblait avoir compris qu'un des problème majeur de l'anglais du point de vue de l'orthographe, est qu'elle a été figée au début du great voyel shift. L'orthographe de l'espagnol et du néerlandais sont plus simple parce qu'elles ont été réformées récemment, et il est a peu près certain que si un effort n'est pas fait elles vont s'éloigner de la prononciation progressivement. Une refonte de l'orthographe du français est désirable; je ne suis pas sûr qu'elle soit sociologiquement possible,... – Un francophone Nov 01 '13 at 19:33
  • @Unfrancophone: On ne peut pas dire que l'orthographe de l'anglais se soit figée au début du GVS. Le GVS a commencé au 12ème siècle. L'orthographe a commencé à se fixer plus tard avec l'introduction (15ème siècle) puis généralisation de l'imprimerie. Pour le GVS voir sujets déjà traités sur EL&U et linguistics. Article sur l'orthographe de l'anglais dans l'OED. – None Nov 03 '13 at 15:36
  • @Unfrancophone: Et on ne peut pas dire que l'orthographe de l'anglais se soit figée, certaines variantes d'anglais continuent à évoluer tant par leurs orthographes que par leurs prononciations, conséquences de la mondialisation. Mais je suis complètement hors sujet... – None Nov 03 '13 at 15:38
  • Great, so in the absence of a dictionary I have no choice but to guess whether a given word is of Greek or French origin to decide on a pronunciation. – temporary_user_name Mar 16 '17 at 06:20
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Je voudrais signaler que le mot chimère n'est pas un mot français, c'est un mot grec(χίμαιρα) et pourtant se prononce [ʃ], comme d'ailleirs le mot chirurgien(χειρουργός). Il n' y a donc pas de règle à suivre.

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