9

Y a-t-il une différence de registre entre « commencer » et « se mettre » ?

Peut-on employer l’un ou l’autre indifféremment ?

Stéphane Gimenez
  • 30,422
  • 13
  • 71
  • 152
rossignol
  • 91
  • 3

5 Answers5

2

Est-ce que tu parles de l'expression « se mettre à ... » ? Si oui, on emploie cette expression quand on ne veut pas utiliser commencer.

Eg.: Les hommes se mettent au travail = Les hommes commencent le travail.

Toto
  • 14,992
  • 8
  • 37
  • 62
  • 3
    Sa question est surtout de savoir s'il y a une différence de registre. – Destal Feb 07 '17 at 13:05
  • aah, je vois. je crois qu'il y en a – K.D. MBEDOBE Feb 07 '17 at 13:32
  • Au début je pensais que "se mettre à" était un peu familier, mais en y réfléchissant, on doit trouver des textes littéraires utilisant cette forme (les cieux se mirent alors à cracher des éclairs). – Destal Feb 07 '17 at 13:36
  • Je pense que la seule différence est que « se mettre » peut avoir un tout autre sens, comme dans « se mettre à dos » ou « se mettre en règle » alors que « commencer » a toujours la même signification. Donc on peut toujours remplacer « commencer » par « se mettre à » mais l’inverse n’est pas vrai. – Stéphane Feb 07 '17 at 13:43
  • @ Simon ça peut être considéré comme familier et soutenu. ceci est possible parce qu' on peut employer le registre soutenu et familier dans des textes littéraires. – K.D. MBEDOBE Feb 07 '17 at 13:50
  • Un cas de fausse nuance? Je crois que les deux sont complètement équivalents, je ne vois pas de différence de registre. – Frank Feb 07 '17 at 15:28
  • Concernant le registre, il s’agit du registre courant dans les deux cas. – Stéphane Feb 07 '17 at 16:29
2
  1. Y a-t-il une différence de registre entre « commencer » et « se mettre » ?

Oui si l'on compare « commencer de » à « se mettre à », mais non si l'on compare « commencer à » à « se mettre à ».

Le plus rare « commencer de + verbe », souvent utilisé pour éviter un hiatus, est généralement considéré comme étant d'un registre plus soutenu que « commencer à + verbe ».

Références:
TLFi

b) Commencer de est plus fréq. dans la lang. soignée que dans la lang. usuelle ou fam.
...
d) Afin d'éviter l'hiatus, l'usage soigné tend parfois à employer de lorsque commencer est à une forme qui se terminera par une voyelle, ou devant les verbes commençant par une voyelle. 2. Dans l'emploi fam. (supra H. Bazin et Simenon) on ne rencontre jamais de.

OQLF

L’expression commencer à est cependant beaucoup plus répandue et courante que commencer de, qui est aujourd’hui sentie comme soutenue, littéraire.

Langue soutenue:

Il commença d'avoir faim. → On évite le double hiatus

Aucun bruit n'annonce le jour, sinon le grincement des girouettes sous la brise de terre, et de la plume sur le cahier où vont commencer de s'écrire, ce matin même, Les Travailleurs de la mer. Bertrand Poirot-Delpech - Victor Hugo et la mer - Académie Française - 2002

Langue usuelle:

Il commença à avoir faim. → [a.a.a]

Cette différence est controversée, voir "A" ET "DE" APRES "COMMENCER" DANS LE SCHEMA " V1 A / DE V2 " (Thierry Trubert-Ouvrard).

« Se mettre » est un peu moins précis que « commencer »1 et peut donc être considéré d'un registre légèrement moins soutenu que ce dernier, mais la différence est infime et surtout très relative. C'est l'expression complète qui déterminera véritablement le registre utilisé.

Par exemple « Tu commences à me les briser » est certainement d'un registre moins soutenu que « Hier, nous nous mîmes à l'œuvre de bonne heure » ;-)

Autant « se mettre » que « commencer » peuvent en effet apparaître dans des phrases de registre soutenu, courant ou familier. Ce ne sont tout simplement pas des « marqueurs » de registre.

Il existe des verbes pouvant remplacer « commencer / se mettre à » qui sont eux, clairement associés à un registre donné:

Il serait plaisant que vous entamiez votre labeur ! (soutenu)

Il faut te mettre au travail ! (courant)

Il faut commencer ton travail ! (courant)

Faut te foutre au boulot ! (familier)


  1. Peut-on employer l’un ou l’autre indifféremment ?

Non, pas toujours. Une nuance de sens est possible : « commencer » peut indiquer la première étape d'un processus graduel (anglais begin) alors que « se mettre à » indique plutôt un changement d'état, une bascule (anglais start).

Il commence à dormir : décrit le début de l'endormissement, il s'endort

Il se met à dormir : il était réveillé, il est endormi.

Il commence à parler russe : son apprentissage de la langue russe commence à porter ses fruits.

Il se met à parler russe : il parlait dans une autre langue et subitement, il parle en russe.

Cette différence peut être neutralisée par la présence d'un adverbe:

Il s'est mis lentement à se lever = Il commença à se lever

Soudain, il commença à dormir = il s'est mis à dormir

Il existe des cas où « commencer » ne peut pas se substituer à « se mettre » :

Il se met à poil→ Il commence à poil

Il se met au courant → Il commence au courant

Tu t'es mis à dormir pendant une heure → Tu as commencé à dormir pendant une heure

« Commencer à se mettre » est possible mais « se mettre à commencer » est rarissime:

Tout le monde commence à se mettre au travail. → Tout le monde se met à commencer de travailler

Parfois, « se mettre à » peut difficilement traduire commencer:

Il a commencé sa vie en Grèce → Il s'est mis à vivre en Grèce.

Il commence à être célèbre → Il se met à être célèbre

Je commence à être sourd → Je me met à être sourd

C'est vous qui commencerez en premier → C'est vous qui vous mettrez en premier

Les problèmes commencent à être résolus → Les problèmes se mettent à être résolus

Ça commence à se savoir → Ça se met à se savoir

À la négative, les sens sont différents:

Je n'ai pas commencé à manger (= pas encore)

Je ne me suis pas mis à manger (= c'est faux, pas du tout)

Une thèse de doctorat analyse en profondeur les différences entre « se mettre à » et « commencer » : La construction inchoative se mettre à: syntaxe, sémantique et grammaticalisation, Filip Verroens, Universiteit Gent, 2011

1 TLFI:

Rem. gén. 1. Dans la lang. soutenue et notamment dans la lang. écrite, on emploie souvent un verbe plus précis que mettre ou se mettre.

Tsundoku
  • 539
  • 2
  • 7
  • 26
jlliagre
  • 148,505
  • 9
  • 106
  • 237
  • Avez-vous des exemples ou commencer peut-être utilisé avec de ou à indifféremment (donc le sens doit être exactement le même), mais où l'on peut percevoir la différence de registre? Idem pour la précision de commencer. – Frank Feb 07 '17 at 15:33
  • My sense is also that, difference in meaning aside, se mettre à is slightly more soutenu than commencer à. A couple of book examples: here notice "Je me mis à faire des calculs et je reconnus qu'au prix où l'on avait la terre dans ce moment-là, ..." where it's comfortably in the passé simple. Meanwhile, here, commencer sits snugly in a passage of not terribly high register (though not informal, either). Of course, a wider sample is needed, but that's my intuition. :) – Luke Sawczak Feb 07 '17 at 15:39
  • La forme commencer de sonne bizarre maintenant, je dirais. Il commença d'avoir faim? oui, pourquoi pas. – Frank Feb 07 '17 at 18:48
  • @jlliagre - la nuance commencer à / commencer de est très intéressante, mais je crois que c'est un élargissement de la question de l'OP, qui porte simplement sur commencer et se mettre, et si l'un ou l'autre induit un langage de registre différent. – Frank Feb 07 '17 at 18:51
  • @jlliagre - link pour 1-TLFI (la référence)? – Frank Feb 07 '17 at 18:52
  • @Frank Commencer de peut s'utiliser partout où commencer à est possible mais il s'agit d'un usage littéraire et soigné qui peut donc surprendre. Références ajoutées pour tous les points commentés. La question porte effectivement sur commencer et se mettre mais considérant qu'elle porte sur le registre de ces verbes, il ne me paraît pas du tout hors sujet de préciser que commencer peut s'utiliser avec deux prépositions différentes sachant que le registre résultant est notoirement différent. – jlliagre Feb 07 '17 at 19:19
  • Ce n'est pas hors sujet, et c'est intéressant. C'est un élargissement car le coeur de la question porte sur commencer et se mettre, alors que les deux tiers de votre réponse (grosso modo) portent sur la distinction commencer à / commencer de. – Frank Feb 07 '17 at 19:26
  • La remarque générale 1 de TLFI ne semble pas se rapporter explicitement au cas se mettre / commencer, mais plutôt à des situations où l'on met un objet dans un autre: "Ainsi insérer, introduire ou loger peuvent se substituer à mettre dans + compl. de lieu, appliquer ou poser à mettre sur, revêtir ou chausser à mettre (un vêtement, des souliers), s'installer à se mettre + prép. + compl. de lieu.". On ne peut pas nécessairement en déduire que commencer est plus précis que se mettre. La référence ne soutient pas bien l'argument. – Frank Feb 07 '17 at 19:49
  • @Frank Oui, c'est parce que la différence de registre se situe là. Il n'y a pas de différence de registre significative, voire même pas de différence de registre du tout, entre commencer à et se mettre à isolés. Il y a en revanche une nuance de sens qu'il ne faut pas ignorer; par exemple entre « il commence à me gonfler » et « il se met à me gonfler », « il commence à parler russe » et « il se met à parler russe ». – jlliagre Feb 07 '17 at 19:58
  • @Frank Pour la remarque générale, je pensais par exemple à « se mettre à genoux » où il faut attendre ce qui suit la préposition « à » pour comprendre le sens de « se mettre à » alors qu'avec « commencer », il n'y a pas de confusion possible. – jlliagre Feb 07 '17 at 19:59
  • J'aurais vu la nuance dans l'autre sens (pour l'exemple de l'endormissement): se mettre à étant plus progressif, probablement par associations avec des expressions proches. commencer serait plus neutre, mais se mettre à contiendrait une nuance de progressivité. Avec commencer, si on veut évoquer une progression dans le début de qqch, on ajouterait par exemple à peine (?) – Frank Feb 07 '17 at 20:04
  • NB: la question est sur le registre. Mais tous ces élargissements sont intéressants, bien sûr. Pour cette raison, ces longues chaînes de commentaires ne devraient pas être enlevées. Elles peuvent être intéressantes pour ceux qui veulent creuser et voir différentes opinions. – Frank Feb 07 '17 at 20:06
  • Dans le très bel exemple (Victor Hugo et la mer) ci-dessus, après "...le grincement...de la plume sur le cahier où vont commencer de", le choix de 's'écrire' s'impose, il est bloqué par le contexte avant. Sur un cahier, avec une plume qui grince, que peut-on faire d'autre que d'écrire? Commencer à est plus courant parce que 'à' sert à présenter ce qui suit et qui n'est pas rendu évident par le contexte avant. Cf. Le français déchiffré Clé du langage et des langues Henri Adamczewski. – Annie CHABOT Feb 08 '17 at 16:50
2

Si la question est: "en gardant exactement le même sens et les mêmes mots dans la phrase mais en changeant seulement commencer à par se mettre à, obtient-on une phrase dans un autre registre?", je crois que la réponse est non, en général.

Je ne crois pas que se mettre à et commencer à portent en eux, de façon intrinsèque, une nuance de registre: nous n'avons pas de règle qui dirait que remplacer simplement commencer à par se mettre à (sans aucun autre changement) dans une phrase changerait automatiquement le registre de cette phrase (ou l'inverse). On peut construire des phrases dans le même registre avec commencer à aussi bien qu'avec se mettre à.

Je crois que la différence de registre perçue dans les exemples proposés est plutôt extrinsèque, c'est-à-dire qu'elle provient du reste de la phrase et du contexte, du ton employé... Il est possible que se mettre à sonne mieux dans certains contextes, ou que commencer à soit obligatoire dans certaines expressions (et vice-versa). Mais ces différences sont dues à l'usage ou au contexte, plutôt que portées entièrement par le verbe commencer à ou se mettre à lui-même. Sans aucun contexte, commencer à et se mettre à sont a priori équivalents.

En général, la langue Française a certainement des synonymes dans différents registres (chiottes / toilettes, caisse / voiture, bouffer / manger ...), mais le phénomène n'est pas aussi sophistiqué et systématique que dans des langues telles que le Japonais, où l'on trouve des séries de variantes pour un même mot suivant le registre de langage: kuu → taberu → meshi-agaru (manger), aru → gozaru (être), ... En Japonais, le registre de langue est intrinsèquement contenu dans le choix de aru ou gozaru. Même sans aucun autre contexte, utiliser l'un ou l'autre détermine complètement le registre, sans changer le sens. Je ne crois pas que ce soit le cas pour commencer à et se mettre à.

Note: TLFI définit se mettre à ainsi: "Commencer à faire quelque chose; entrer dans un processus.", i.e. en utilisant commencer à (!)

Frank
  • 9,199
  • 1
  • 20
  • 39
  • C'est aussi mon impression. Est-ce que ce n'est pas s'y mettre qui est un peu moins soutenu ? – Extraneous Feb 07 '17 at 20:25
  • @AlexandreFlak - ma réponse milite pour un certain agnosticisme dans les cas où un contexte n'est pas fourni :-) – Frank Feb 07 '17 at 21:18
2

Il me semble que 'se mettre' souligne plus le déclenchement de ce qui est présenté à sa suite. Comme s'il s'agissait d'en présenter surtout le point de départ.

Alors qu'avec 'commencer', j'ai l'impression qu'une suite possible est déjà envisagée, que 'commencer' laisse déjà entendre que ce qui suit va continuer.

Si mon intuition est exacte, on peut donc parfois parler de la même chose de deux points de vue différents. Il faudrait confronter ceci à un solide corpus d'exemples.

Quant à la différence entre 'commencer/continuer à' et 'commencer/continuer de', elle rappelle celle que l'on trouve en anglais entre 'begin/continue to' et 'begin/continue V-ing'. (V=verb)

Dans les phrases où l'on a à effectuer ce type de choix, on se retrouve avec un premier verbe (V1) à ou de (qu'il faut savoir choisir) suivi d'un deuxième verbe (V2).

V1 et V2 sont chacun porteur d'information.

Lorsque le poids informationnel de V2 est plus important (nouveau) que celui de V1, on aura 'V1 à V2'. Cas le plus courant.

Par contre, lorsque c'est l'inverse on aura 'V1 de V2'.

Exemple (cité par Adamcweski qui a mis au jour ce point de grammaire):

Pas de changement dans les jours à venir. Il va continuer de faire beau jusqu'à la fin de la semaine.

L'information 'faire beau jusqu'à la fin de la semaine' n'est pas vraiment nouvelle, elle est déjà contenue dans 'pas de changement dans les jours à venir' C'est pour signaler cela que 'de' apparaît.

Si l'on observe maintenant le magnifique exemple cité par Jiliagre:

'Aucun bruit n'annonce le jour, sinon le grincement des girouettes sous la brise de terre, et de la plume sur le cahier où vont commencer de s'écrire, ce matin même, les Travailleurs de la Mer. (Bertrand Poirot-Delpech / Victor Hugo et la Mer.)

Le verbe 'commencer' a ici plus de poids informationnel que 's'écrire' dont le sens est anticipé par ce qui précède: 'le grincement de la plume sur le cahier'. C'est la raison pour laquelle 'de' apparaît dans cet exemple.

Annie CHABOT
  • 859
  • 5
  • 6
1

Je ne pense pas qu'on puisse noter une quelconque différence de registre entre ces deux expressions . Il est possible qu'en pratique "se mettre à" soit utilisée de manière plus fréquente dans un registre plus soutenu , mais la différence principale selon moi réside surtout dans la définition que l'on attache à ces expressions. Dans mon interprétation de ces expressions , "se mettre à" est une action antérieure à "commencer". Je voit la première expression comme une préparation à la deuxième. J'ai conscience que cette interprétation est très personnelle , peut sembler erronée ou hors sujet mais dans un registre soutenu les expressions sont souvent plus précises que dans un registre courant voir familier.

Le choix de l'expression à utiliser dépend selon moi plus de son adéquation à la situation que de l'appartenance de la dite expression à un registre particulier.

Rolexel
  • 161
  • 7