I
Il n'y a pas à proprement parler une variante, ni une forme qui soit meilleure que l'autre mais il y a deux formes qui correspondent à des sens différents. Cependant, c'est une question difficile et « de » peut correspondre soit à l'article indéfini soit à l'article partitif (de la, de l, de, d') ; c'est la nature du nom qui suit qui determine cela et il est dans certains cas très difficile de voir la différence entre « des » indéfini et « des » partitif (voir « LBU ed. 14 § 583 b) »).
Les explications sont faites sur la base de deux références dont l'une traite l'article partitif en tant qu'article défini (Kalmbach, grammaire du français pour le finnophone, et LBU¹) mais pour un traitement selon la terminology standard (cependant pas en profondeur) voir « LBU ed. 14 § 584 c) » ; il n'y a pas de différence dans la logique d'application, le nouveau point de vue prouvant seulement que la nature des deux ne fait qu'une, excepté pour un détail.
Il n'est pas possible de commencer à dominer cette question du choix de l'article sans de longues explications, et j'ai peu rechigné à inclure toute l'information que je considère du point de vue de mes besoins personnels nécessaire pour une bonne compréhension du sujet.
Examples montrant le même principe pour l'article partitif
- Il a pris de la tarte. → Il n'a pas pris de tarte.
- Il a lu du Flaubert. → Il n'a pas lu de Flaubert.
- Il a mangé de l'élan. → Il n'a pas mangé d'élan.
II
grammaire pour l'étudiant finnophone (Jean-Michel Kalmbach)
Variation des formes de l’article indéfini [L'article partitif n'existe pas selon la théorie de cette grammaire et c'est un article indéfini massique.]
Les formes de base de l’article indéfini sont « un », « une », « des », « du », « de la » (et la variante devant voyelle « de l’ »). Dans certains cas, on utilise une autre forme :
- quand l’article indéfini détermine un nom au pluriel précédé d’un adjectif antéposé, il prend habituellement (dans le code écrit) la forme « de » ;
- quand l’article indéfini détermine un groupe nominal qui est complément direct d’un verbe à la forme négative, il prend souvent la forme « de », mais ce n’est pas systématique ;
- après la préposition de, les formes d’article commençant par un d (des, du, de la, de) ne sont pas exprimées, elles « s’effacent ». C’est la règle d’effacement.
On passe au développement du second item, comme c'est celui qui couvre la question de la présente page FSE.
Modifications dans une phrase négative (voir « LBU ed. 14 § 584 c) 1° » pour le traitement selon la terminology standard)
Forme « de » devant CVD et sujet postposé
Quand l’article indéfini (toutes les formes, c’est-à-dire singulier, pluriel et massif) détermine un groupe nominal qui est complément de verbe direct (CVD) d’un verbe à la forme négative, il prend généralement la forme « de » :
♦ J’ai une voiture. vs Je n’ai pas encore de voiture.
♦ J’ai remarqué des fautes. vs Je n’ai pas remarqué de fautes.
♦ Nous n’avons pas appris de mots nouveaux.
♦ Aujourd’hui, je n’ai pas eu besoin de prendre de médicaments.
♦ Ne fais pas de bruit.
L’article indéfini prend également la forme « de » quand il détermine un GN sujet postposé d’un verbe à la forme négative d’une construction impersonnelle avec le pronom conjugateur « il » (le sujet occupe la même position qu’un complément de verbe direct) :
♦ Il faut un autre collaborateur. → Il ne faut pas d’autre collaborateur.
♦ Il reste encore du fromage ? → Il ne reste plus de fromage.
♦ Il se produisait parfois des accidents. → Il ne se produisait jamais d’accidents.
D'après ce qui vient d'être expliqué, donc,
- « Ce soir, je n'ai pas lu/raconté d'histoire(s) à mes enfants. »
correspond a la forme affirmative, normalement écrite comme suit.
- Ce soir, j'ai lu/raconté une/des histoire(s) à mes enfants.
C'est la forme la plus courante ; dans cette forme la négation est dite être « absolue ».
Français Facile
DE ou D' + NOM dans les phrases négatives
Devant un nom d'objet direct ou sujet « réel » dans les phrases négatives, on emploie « de » ou « d' » servant d'article partitif ou indéfini si la négation est absolue (Kalmbach, « totale »). [Dans le cas contraire elle est appelée relative ou (terminology de Kalmbach) partielle.]
Qu'est-ce que la négation absolue ?
Si le nom peut être précédé de « aucun » ou de « aucune quantité de », c'est une négation absolue :
♦ Laurent ne fait pas de faute. (Il n'en fait aucune)
♦ Il n'y a pas de cours de chinois sur le site.
♦ N'avez-vous donc plus d'espoir ?
On a donc un test de base pour décider si une négation est absolue : sommairement exprimé, ce test est que si on peut dire « aucun(e) » c'est une négation absolue (et donc « de » est la forme de l'article).
III
C'est à la § 584 c) de LBU 14ième édition (Lorsqu'on transforme une forme affirmative en forme négative.), au « 2° » que l'on va trouver une analyse qui justifie l'utilisation de la forme habituelle de l'article dans les phrases négatives, où il est, dans la terminology de Kalmbach « un déterminant de CVD/sujet postposé » et dans celle de Grevisse et Gousse « un article indéfini ou partitif accompagnant un objet direct ou un sujet logique (ou réel) ».
On y distingue trois cas :
- 1/ La phrase (ou le membre de phrase) a un sens positif
- 2/ Si la négation ne porte pas réellement sur le nom
- 3/ Si le syntagme nié s'oppose à un autre syntagme de même fonction
Exemples relevant du « 1/ »
♦ On ne fait pas d'omelette sans casser DES œufs (prov. dans Ac. 2004, s. v. omelette). [= On casse nécessairement des œufs.] [(user LPH) Apparemment mal placé, devrait se trouver sous le paragraphe « § 584 c) 3° » (Avec sans), justifié par « verbe négatif dans principale », mais avec sans le verbe négatif résulte en un sens positif, d'où la possibilité de ce classement puisque « œufs » est COD de « casser ».]
♦ N'avez-vous pas DES amis pour vous défendre ? [= Vos amis devraient vous défendre.]
♦ Est ce que vous pouvez empêcher qu'on ne donne DES sérénades à votre femme ? — Le ne est explétif (cf.
§ 1023) (MUSSET, Capr. de Mar., 1,2.)
♦ L'anomalie même de l'histoire empêche qu'elle [= l'héroïne du récit] n'y attache DE L'importance
(BEAUVOIR, Deux, sexe, t. II, p. 49).
Exemples relevant du « 2/ »
♦ On n'y voyait presque jamais DES barques de pêche (P. BENOIT, Axelle, p. 10). [= On y
voyait éventuellement des barques, mais non des barques de pêche.]
♦ Je n'ai pas amassé DES millions pour envoyer mon unique héritier se
faire casser la tête en Afrique I (AUGIER, Effrontés, I, 2.) [= J'ai amassé
des millions, mais non pour...]
Exemples relevant du « 3/ »
♦ Elle n'a pas demandé Du vin, mais de la bière.
♦ Nous ne disons pas DU mal de lui ! - L'opposition est implicite; (IONESCO, Amédée,
p. 256.)
♦ (user LPH) Il ne décrit pas un incident mais un déroulement sans problèmes.
Réserves
Si un est le numéral, il se maintient dans la construction négative :
♦ Je n'ai plus UN euro ; comp. Je n'ai plus D'euros (ordinairement au plur.) [
— Pourtant de est bien plus fréquent que un dans le tour Il ne se passait pas DE jour que [= sans que, cf. § 1013, c] des demandes d'affectation
[...] ne parvinssent au capitaine (GRACQ, Rivage des Syrtes, p. 127).
D'une manière générale, un semble se maintenir plus facilement que
du ou des :
♦ Si elle ne trouve pas UN prêtre pour s'occuper d'elle exclusivement (STENDHAL, L. Leuwen, LIX).
♦ Les comédiennes ne courent pas UN pareil danger (E. et J. DE GONC., Ch. Demailly, LV).
♦ Je ne vous fais pas UN reproche des néologismes (ib., XXVIII).
Un s'impose dans certains cas :
Cet esprit de calcul qui n'abandonne point
UN vieux commerçant (BALZAC, Envers de l'hist. cont., Pl., p. 151).
♦ Jamais aucune femme n'a aimé UN eunuque (FLAUB., Corresp., cit. Rob., s. v. ombilical). 30
♦ Le maréchal soutenait que l'amour ne constituait pas UN sentiment particulier (E. DE GONC., Chérie, LXXIX).
Conclusion pour le type de phrase en question (Ce soir, je n'ai pas lu une histoire à mes enfants.)
« 1/ » et « 2/ » ne sont pas applicables mais « 3/ » l'est et donc si « une » est utilisé l'interlocuteur ou le lecteur comprendra que la personne a bien lu quelque chose à ses enfants mais ce n'était pas une histoire comme à l'accoutumée. Avec « une » on peut rendre cela explicite et renseigner l'interlocuteur ou le lecteur entièrement en ajoutant en faisant participer au discours ce référent qui est représenté par un syntagme du même type (c'est à dire dans le cas présent, quelque chose qui peut être lu).
- Ce soir, je n'ai pas lu une histoire à mes enfants, mais de l'histoire de France.
- Ce soir, je n'ai pas lu une histoire à mes enfants, au lieu de cela j'ai choisi deux petit poèmes.
Il est utile de se rappeler que cet usage est un problème pour l'utilisateur du français.
(Français Facile
[…] on emploie du, de la, de l', des, si la négation n'est pas absolue mais, dans ce cas, il faut considérer la nuance de style ou de sens, pour comprendre si on est face à une négation absolue ou une négation relative ce qui n'est pas toujours aisé.
Je ne crois pas qu'il ait fait d'erreurs. (je pense qu'il n'en a jamais fait)
Je ne crois pas qu'il ait fait des erreurs. (à ma connaissance, il n'a pas fait d'erreurs)
IV Considérations supplémentaires
Le « 2/ » ci-dessus, tel que développé dans LBU mérite une attention plus grande, que l'on trouve dans la grammaire finnophone (Kalmbach).
La négation porte sur un autre élément que le CVD (caractères gras dus à user LPH)
La négation peut aussi être partielle en ce sens qu’elle ne porte pas sur le complément direct, mais sur un autre élément de la phrase, par exemple sur l’adjectif qui caractérise le complément (et non pas sur tout le complément) :
♦ Il ne faut pas y accorder une grande importance. [On peut y accorder de l’importance, mais pas trop.]
♦ Il n’a pas obtenu des résultats vraiment intéressants [Il a bien obtenu des résultats, mais qui ne sont pas intéressants.]
♦ La police n’a pas trouvé des preuves décisives contre le suspect. [La police a donc trouvé des preuves, mais elles n’étaient pas décisives.]
C’est également le cas quand la négation porte sur un adverbe ou un complément de phrase de temps, comme souvent, toujours, ou de manière etc. Ces éléments sont indiqués en italiques dans les exemples suivants :
♦ Demain nous n’irons pas faire du ski.
♦ Avec le temps qu’il a fait cet hiver, on n’a pas souvent fait du patinage sur le lac.
♦ Autrefois, les gens ne mangeaient pas de la viande tous les jours.
♦ Cette année, on n’est pas allés acheter du vin chez le producteur. [mais ailleurs]
♦ Les chercheurs n’ont pas obtenu des résultats immédiatement.
♦ Adecco ne pourra pas vous proposer des missions avant votre arrivée en France.
♦ Vous ne pourrez pas fabriquer du fromage avec des moyens aussi dérisoires.
♦ La séparation des déchets de verre est importante car on ne peut pas produire du verre incolore à partir d’un verre coloré.
♦ Les français ne boivent plus aussi souvent du vin aux repas qu’il y a encore vingt ans.
Autre exemple de ce type : dans la première des deux phrases suivantes, l’article « des » est devenu « de » (négation totale), mais dans la deuxième, il ne change pas. En effet, la deuxième phrase signifie « Il m’arrive d’oublier des choses, mais pas un visage ». Le locuteur oublie donc certaines choses, mais pas tout (négation partielle) :
♦ Je n’ai pas oublié de noms ?
♦ Je n’oublie jamais un visage. [(user LPH) Ce type d'exception à la règle résulte de situations sous-tendues par un contexte de possibilités contraires réelles, soit généralement connu soit que l'on comprend comme étant sous-entendu par le locuteur.]
♦ Il ne mord jamais un passant. (Mais il mord ; sous entendu par le locuteur, c'est un chien qui mord.)
♦ La foudre ne détruit jamais un paratonnerre. (généralement connu)]
Il y a également trois autres topiques d'intérêt que le lecteur voudra peut être consulter dans la référence citée ci-dessus (Ne… que, Ni… ni, Affirmation cachée en négation)
¹ Un téléchargement de la 14ième édition du livre « Le Bon Usage » peut être fait à partir du lien suivant :
https://www.pdfdrive.com/le-bon-usage-grammaire-fran%C3%A7aise-14e-%C3%A9d-d157189845.html